Il est assez difficile de mettre une date sur la découverte du clitoris. Certains pensent que cela date de l’antiquité au vu de l'étymologie, très imprécise, du mot «clitoris», qui s’avère être grecque. Une civilisation souvent décrite comme misogyne, puis ayant été parmi les premiers à avoir lié la spécificité de ce discret organe aux orgasmes des femmes, ce petit bouton rose aurait été associé à une petite colline (kleitoris) ou à une clé (kleidos). Également, il est comparé est à la jeune Clitoris de la mythologie grecque, connue pour sa taille minuscule.
En revanche, pour d’autres, le clitoris n’a été découvert qu’à l’époque de la Renaissance qui change la conception anatomique de l’organe, grâce à l’émergence de la dissection en anatomie. Un médecin et chirurgien italien, Matteo Realdo Colombo libère au monde entier la première description du clitoris dans les années 1550. Il associe également l’organe comme « siège du plaisir de la femme », fait paraître l’érection clitoridienne qui démontre les similitudes entre clitoris et pénis.« Si vous le touchez, vous le verrez devenir un peu plus dur et oblong au point qu’on dirait alors un genre de membre viril », décrit-il dans son manuel De re anatomica.
Au XVIIe siècle, il a même un rôle de taille puisque le plaisir féminin est considéré comme un «facteur de fertilité», signale l'auteur. Pas d'orgasme, pas de bébé ! Tout change au XVIIIe siècle où la masturbation est prohibée puisque perçue comme un moyen de contraception allant à l'encontre des politiques natalistes. Pas de plaisir solitaire donc, mais en couple ça passe au XIXe siècle. Plaisir = fertilité, encore et toujours.
Cet organe dédié au plaisir sexuel féminin a été mis aux oubliettes jusqu’à la fin du 20e siècle. En 1930, le clitoris disparaît carrément du dictionnaire puisqu'il n'a rien à voir avec la fonction reproductive.
En effet, le clitoris devient une cible de taille. Beaucoup de médecins cherchent à recentrer le vagin comme source première de plaisir. L’un d’eux y parviendra brillamment avec ses études. Très connu et toujours enseigné, Sigmund Freud est pourtant l’ennemi numéro un du clitoris. Père de la psychanalyse, il dénonce l’orgasme clitoridien comme celui de la fillette. Pour lui, la femme est jalouse du pénis de l’homme, car son organe à elle, son clitoris, est bien plus petits que le membre masculin. La petite fille «remarque le grand pénis bien visible d’un frère ou d’un camarade de jeu, le reconnaît tout de suite comme la réplique supérieure de son propre petit organe caché et, dès lors, est victime de l’envie du pénis», décrit Freud dans Introduction à la psychanalyse (1922). «Humiliée», «dégoûtée», la petite fille doit abandonner son clitoris pour se tourner vers son vagin et par là, «vers de nouvelles voies qui conduisent au développement de la féminité».
Le clitoris et l’orgasme clitoridien deviennent alors complètement tabous. Être incapable d’obtenir un orgasme vaginal est même considéré comme une maladie, une défaillance. C’est incroyable que Freud ait réussi à convaincre le monde sachant que seulement une femme sur cinq peut attendre l’orgasme par pénétration vaginale seule, sans stimulation de clitoris externe.
Retirer de tous les manuels d’anatomie, le clitoris n’est plus étudié. C’est alors, que Helen O’Connell, neurologue australienne, décide, en 1998 de disséquer plusieurs cadavres de femmes et redécouvre l’anatomie complète du clitoris. Elle casse alors l’idée de « bouton » qui siège au sommet de l’entrée du vagin, et tire une description complète du clitoris. En effet, pour la première fois, elle expose que cet organe comporte quatre branches et dont les deux principales peuvent mesurer jusqu’à 10 centimètres.
Dix ans plus tard, la première échographie d’ Odile Buisson (gynécologue) et Pierre Foldès (chirurgien). Dans le cadre d’études sur la reconstruction du clitoris, ils commenceront des séries d’échographies clitoridiennes ainsi qu’une échographie fonctionnelle du clitoris durant un coït ce qui s’avère être une première mondiale.
En 2017, la chercheuse Odile Fillod, a réalisé la première impression 3D du clitoris à taille réelle ! Consciente des difficultés à enseigner cet organe aux enfants et adolescents, et de la méconnaissance chez les adultes. La chercheuse estimait en effet qu'il était important de montrer concrètement à quoi le clitoris ressemblait pour parler des bases anatomiques et physiologiques du désir et du plaisir sexuel.
La même année une révolution discrète est en marche... Arrivée à la page 207 du seul manuel scolaire de sciences et vie de la terre (SVT) aux Editions Magnard, où pour la première fois en France, des élèves de 4e verront représenté, dans sa totalité, l'appareil génital. L’organe jusque-là non étudié fait son entrée. Le collectif de professeurs et d'éditeurs SVT Egalité, qui vise à partager des outils pour un enseignement non-discriminant, sont ravis de ce grand pas que cela apporte à l’éducation sexuelle.
«Les jeunes, et en particulier les filles, méconnaissent leur corps, et le plaisir féminin reste tabou : 84 % des filles de 13 ans ne savent pas comment représenter leur sexe alors qu'elles sont 53 % à savoir représenter le sexe masculin, et une fille de 15 ans sur quatre ne sait pas qu'elle a un clitoris.»